SEMAINE 11 / 25 AU 30 DECEMBRE / CLOWNSSSS ET ECRIVAINS

Le 29, Nanaboco doit être présent au même moment dans deux hôpitaux, il s’agit d’être prêts avec la nouvelle équipe.

Vendredi 29 décembre, l’hôpital HGOPY organise sa fête de Noël, avec distribution de cadeaux par le Directeur Général. Le même jour, l’hôpital de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale CNPS en fait de même. C’est ce que j’avais compris, mais mal compris car arrivés sur place, on nous dit que la fête était le vendredi précédent. Tant pis, les 5 nouveaux clowns vont quand même animer les chambres et les couloirs.

Je les ai coachés durant 2 jours supplémentaires de préparation : jeux de rôle pour bien ressentir les comportements adéquats et ceux qui ferment la relation, consignes, improvisations pour apprendre à jouer ensemble et à créer, préparation de routines pour les couloirs.

A l’hôpital CNPS, les chambres sont plus petites, 2 à 3 enfants au maximum, et elles sont disposées de part et d’autre de longs couloirs. Nous décidons que les clowns travailleront par équipe de 2 ou 3, chaque équipe suit le côté d’un couloir jusqu’au bout, afin de ne  pas s’embrouiller en repassant là où d’autres ont déjà passé.

Les aspirants clowns d’hôpital sont toujours très motivés, les séances de training se passent bien, être coach artistique est mon rôle préféré.

Les 5 clowns retenus pour la visite du 29.12 à la CNPS
L’équipe active au HGOPY

Le jour venu, les 4 anciens clowns vont au HGOPY comme d’habitude, et les 5 nouveaux sont sans filet à l’hôpital CNPS.

Le major Ndongo suit les clowns dans ses services. Ici avec Fredy.

Tout se passe très bien, le major (infirmier chef) Ndongo de la CNPS les suit avec le sourire, les enfants et leurs familles sont ravis, ils avoueront n’avoir jamais été autant photographiés et filmés. De quoi donner de jolis souvenirs de l’hôpital aux enfants, qui se rappelleront plus des clowns que des mauvais côtés des soins.

 

L’étroitesse des couloirs et la disposition des chambres ne facilitent pas la prise de photos, car je n’ai pas souhaité entrer dans ces chambres, par discrétion. Une dame blanche inconnue qui entrerait dans ces petites chambres passerait difficilement inaperçue et casserait le jeu des clowns. Vous ne verrez donc pas de photos d’enfants, mais je vous assure que la bonne humeur était au rendez-vous !

Solange et Richard

Alors que  nous quittons le 2e niveau de pédiatrie, une dame nous accoste : pourquoi ne venez-vous pas voir mon bébé ? il est en maternité et je voudrais que lui aussi bénéficie de votre visite.

J’hésite, il n’a pas été question avec l’administration de l’hôpital d’aller en maternité, mais comment refuser ? les 5 clowns entrent aussi discrètement que possible dans le service de maternité, avec ma consigne de ne pénétrer que dans la chambre que cette maman leur indique. Le major de maternité s’avance pour savoir qui ils sont et ce qu’ils font là. Il a tout à fait raison de veiller à ce qui se passe dans son service, et il accepte très volontiers mes explications.

Dans cette chambre se trouvent 3 bébés et leurs familles. Grâce aux clowns, c’est la fête ! Depuis le couloir je perçois des rires, des chansons, des exclamations, ces familles sont ravies de la surprise. A défaut de rois-mages, en ce temps de Noël, ces nouveaux-nés ont reçus des visiteurs colorés et farceurs que les parents ont eux aussi abondamment filmés et photographiés.

Pendant ce temps, tout s’est bien passé au HGOPY, et Nanaboco a réussi son défi d’avoir le don d’ubiquité, être à 2 endroits différents en même temps.

Adèle et Junior

Adèle, nouvelle clown, a reçu du tissu Nanaboco pour se faire confectionner son costume, elle a fait un très bon choix avec son pantalon resserré aux chevilles et son petit blouson à capuchon, bravo pour l’idée !

Le 30 décembre, Stéphane de Megahshi, écrivain, m’invite à la première Nuit des écrivains de Yaoundé. Je suis honorée et intimidée. Première arrivée, je vois quelques femmes et des hommes  s’installer à la table réservée sur une terrasse. Ils sont en général plutôt jeunes et s’apostrophent amicalement. Les discussions démarrent, un débat est lancé sur la récente libération de Patrice Nganang, écrivain lui aussi, dont vous trouverez plusieurs romans en librairies et bibliothèques en Suisse et en France, même à la bibliothèque municipale de Lausanne ! Patrice Nganang a été arrêté à l’aéroport de Douala le 6 décembre alors qu’il quittait le Cameroun, mis en cellule puis en prison durant quelques semaines avant d’être relâché et expulsé le 27 décembre, car il dispose d’un passeport américain. Cette affaire a fait du bruit au Cameroun, Patrice Nganang étant depuis longtemps un contestataire du pouvoir en place depuis 35 ans. Les avis des écrivains présents sont très tranchés, et je suis très intéressée à les écouter.

Stéphane a apporté quelques livres, il a prévu que des désignés volontaires fassent des lectures de quelques pages pour cette première nuit des écrivains sans budget. Je suis apparemment la seule non écrivaine de la soirée, et à ma grande surprise, il me tend un livre en me priant d’en lire quelques extraits. Je demande de pouvoir plutôt partager un moment de littérature orale, et de raconter un bref conte : « l’homme qui raconte à l’océan ».

Merci à Stéphane de Mégahshi et à ses collègues de m’avoir accueillie et écoutée ! Je leur souhaite beaucoup de courage, et ils en ont, pour écrire dans un pays où publier est encore plus compliqué qu’ici.

Bibliographie et petite entrée en matière sur quelques auteurs :

  • de Stéphane de Mégahshi vous trouvez en Europe « la légende des siècles » paru chez Payot, une pièce de théâtre : dans un royaume bamileke, dans un temps reculé, un récit épique et surtout une invitation à retrouver les valeurs africaines de réconciliation et de fraternité.
  • de Patrice Nganang, vous trouvez nombre de ses livres, dont le roman Mont-Plaisant, très documenté et instructif tout en étant un vrai roman, avec des personnages émouvants. L’histoire se situe au Cameroun dans les années 30, et a pour personnage principal le très réel et très brillant Sultan Njoya qui avait été exilé de son royaume de Bamoun par l’administration française pour être assigné à résidence à Yaoundé. Vivante et édifiante chronique de cette période où la France avait obtenu un protectorat sur le Cameroun et se conduisait en parfait colon. Ce roman fait partie d’une trilogie dont les deux premiers volumes sont parus chez Philippe Rey. Le second volume est la Saison des Prunes qui évoque la période des combats pour l’indépendance en pays Bassa, une des ethnies du Cameroun très impliquée dans la lutte pour l’indépendance, qui en a payé le prix élevé en matière de répression. Le leader bassa était Ruben Um Nyobé , il a payé de sa vie son combat pour la liberté. Le troisième volet paraîtra en été 2018 chez JCLattès. Empreinte de Crabe racontera la suite des luttes d’indépendance, cette fois en pays Bamileke, l’autre grande ethnie du Cameroun impliquée dans le combat pour la liberté qui a subi des terribles persécutions jusque dans les années 70 et dont un des principaux leaders fût Ernest Ouandié, fusillé sur la place publique en 1971.
  • A lire sur le même sujet :  Max Lobe et son récit romancé Confidences, paru chez Zoé, retour en pays bassa sur les traces d’une aïeule qui raconte cette époque terrible ; Hemley Boum et son roman Les Maquisards Ed.La Cheminante, roman historique sur cette même épopée autour d’Um Nyobé, dont la particularité est de faire la place belle aux personnages féminins, et donner un éclairage précieux sur le mode de vie des bassa, peuple de la forêt ; enfin,  avec La saison de l’ombre, paru chez Grasset, Léonora Miano a écrit un roman bouleversant sur une partie antérieure de l’histoire du Cameroun : la fin d’un monde immémorial au coeur de la forêt par l’arrivée des blancs et de l’envoi pour esclavage aux Amériques.
  • le livre qui va me manquer car le titre m’intrigue : Huit clos, huit et pas huis, le livre d’une des quelques femmes écrivains présentes, mais je n’ai pas eu l’occasion d’aller l’acheter. Une prochaine fois peut-être ?
Un peu de littérature orale pour la première Nuit des Ecrivains de Yaoundé

 

Pour les autres démarches prévues pour Nanaboco, période de fête oblige, c’est le chômage technique. J’en profite pour sortir le soir écouter de la musique live et danser sur les rythmes camerounais : bikoutsi, makossa, ben skin. Ou ivoiriens (coupé-décalé) ou encore nigérians. Un des tubes du moment est de Fally Ipupa, congolais. Je vous joins ici quelques-uns des succès qu’on entend un peu partout à Yaoundé ce mois de décembre, à vous la piste de danse ! Vous remarquerez que le Cameroun étant bilingue, français et anglais sont mélangés dans les chansons de ces nouveaux artistes. On y parle aussi le francam, jargon typiquement camerounais qui reprend des mots d’anglais prononcés façon pidgin (créole anglophone des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, anglophones).

J’ajoute un clip du président de Nanaboco, Prince Patrice, qui a modernisé un rythme de sa région d’origine, le ben skin. Un titre qui fait son chemin au Cameroun, sans promotion tv, mais la jungle du show biz est un autre sujet bien compliqué que je vous évite.