Voici déjà la moitié de mon séjour au Cameroun. Si les six premières semaines étaient encore sous le régime de la saison des pluies, depuis lundi la saison sèche a fait son entrée sans transition. La chaleur augmente, la poussière commence à s’installer partout.
Ce regain de chaleur me vaut des coups de fatigue et des nuits blanches. L’achat salutaire de la semaine est un ventilateur qui deviendra mon meilleur ami qui me veut du bien !
Suite à l’atelier clown de la semaine passée, nous avons sélectionné 3 artistes volontaires pour tenter l’expérience du clown d’hôpital.
Nous voici avec une petite troupe de 7 artistes, qui formeront 2 équipes dans 2 hôpitaux différents, en attendant la suite. En effet, l’hôpital de la CNPS nous donne rendez-vous le 5 décembre pour fixer un planning de visites-test. Bonne nouvelle ! Notre dossier est d’ores et déjà sur le bureau des directeurs de 2 autres hôpitaux, et prêt à être déposé dans d’autres.
Vision Phénoménale, Ordinateur Petit Show, Kirikou et Fourchette
Mercredi, visite ordinaire au HGOPY par les 4 clowns confirmés, qui enchaînent avec une animation dans une école baptisée le Petit Trot. Le directeur de cette école avait assisté au passage des clowns à l’hôpital alors qu’il accompagnait son enfant hospitalisé. Il en avait été enchanté et nous avait sollicités pour une animation dans son établissement de 250 enfants de 4 à 11 ans. Les cris et les rires de ces écoliers et de leurs enseignants ont accompagné ce moment festif et joyeux, qui sera suivi le vendredi d’une projection cinéma dans la même école, pour leur plus grand plaisir.
Jeudi, visite test pour les 3 nouveaux clowns sélectionnés. Accompagnés d’un senior, ils se sont lancé avec bonheur dans cette expérience. Ils en sont sortis avec les yeux plein d’étoiles : « ça fait mal de voir ces enfants malades ….. et c’est tellement gratifiant d’arriver auprès d’enfants tristes ou abattus, moroses, et de voir l’intérêt et le sourire naître sur leurs visages ! …. il faut vraiment avoir une expérience de la scène pour s’en sortir….on voit que ce n’est pas grave si un enfant ne sourit pas, car il a tout de même été captivé par les clowns et pendant un moment il a oublié sa peur ou de sa douleur…. »
Les clowns junior ont bénéficié de la présence du clown senior, Ordinateur Petit Show, qui avec sensibilité, patience et savoir-faire artistique a pris soin d’arracher sourire ou éclats de rire à chaque enfant dans les salles d’attente ou les chambres visitées. A l’issue de la visite, ils ont exprimé leur motivation à poursuivre dans cette activité.
De notre côté, nous avons apprécié de voir chez eux ce qui ne s’apprend pas facilement : l’humilité, le tact, la sensibilité, le bonheur de se mettre au service des enfants et de leurs parents. Pour le reste, nous allons continuer à les encadrer et à les coacher le temps nécessaire.
Jeudi matin, à la demande du HGOPY, j’interviens pour une
durée prévue de 30 minutes sur le thème « améliorer l’accueil et
l’accompagnement des patients hospitalisés par le sourire ». En bonne élève appliquée, j’ai préparé un powerpoint avec des références sur des notions comme la santé globale,
l’accompagnement global de la personne, la charte des droits de l’enfant hospitalisé, celle des droits de l’enfant, l’influence du SOC (Sense of Coherence) sur la résilience des patients, je leur ai rappelé les effets physiques bénéfiques du sourire qui permet à nos corps de libérer des hormones favorables à la détente et au mieux-être qui peuvent favoriser la guérison. J’ai partagé des exemples pratiques et concrets sur la façon d’apprivoiser et créer un lien avec l’enfant malade ou hospitalisé lors de soins, et enfin j’ai partagé avec eux des extraits d’un compte-rendu de table ronde organisée par David Melcarne pour son travail de bachelor et pour le compte de la Fondation Theodora, avec les commentaires de soignants en Suisse au sujet du travail des clowns d’hôpital et leurs effets sur leur pratique.
Pour les personnes intéressées, voici le lien du travail mentionné sur le SOC, revue de littérature de bachelor de sage-femme : Le sentiment de cohérence et le processus physiologique de la naissance – par Camille Bérard et Anaïs Bonny
. Bien évidemment, je ne doute pas que les soignants ne m’ont pas attendue pour réfléchir sur ce sujet et l’intégrer à leur pratique, mais apparemment ils ont apprécié les références et expériences partagées. De mon côté j’étais assez intimidée de parler à ces professionnels. Un infirmier anesthésiste a validé mes propos en témoignant qu’il s’applique à blaguer ou faire sourire le patient avant de l’anesthésier, car il sait qu’ainsi la suite se passera globalement mieux que si le patient est tendu. A une question interrogeant la validité de ces concepts européens en Afrique, un autre infirmier a répondu qu’au-delà des différences culturelles, l’humain est le même partout dans sa physiologie, les hormones ne connaissent pas la couleur de la peau ni les différences de mentalité ou de condition. Certains ont déclaré que depuis que les clowns Nanaboco visitent régulièrement les services de pédiatrie, ils apprécient ce moment de sourire, pour eux-mêmes et pour les patients et parents. Leur souhait serait que les clowns viennent plus souvent, et une infirmière a exprimé le voeu qu’ils passent dans le service d’acupuncture, qui est surtout fréquenté par des personnes âgées, qui selon elle apprécieraient certainement le passage d’un vent joyeux.
Vendredi était réservé pour la répétition pour le spectacle de restitution de l’atelier clown, j’ai le plaisir de retrouver la troupe, et leur spectacle en cours de répétition qui s’est étoffé de nouvelles trouvailles. La bonne humeur et la complicité entre eux et entre nous me mettent en joie. Leur créativité, leur humour, leur façon de s’être emparés du clown et de la liberté qu’il offre par sa riche palette d’expression fait vraiment plaisir à voir. Je me réjouis de cet événement à venir le 10 décembre prochain.
